Citations à l'affiche
TANKAS
Haut sur la cime
Tout le jardin est lune,
Est lune d’or.
Plus précieuse en l’ombre
Ta bouche qui me frôle.
La voix de l’oiseau
Que la pénombre cache
Est devenue muette.
Dans ton jardin tu marches.
Quelque chose te manque, je le sais.
Cette autre coupe,
Le sabre qui fut sabre,
En d’autres mains,
La lune de la rue,
Dis, ce n’est pas assez ?
Dessous la lune,
Le tigre d’or et d’ombre
Regarde ses griffes.
Il ne sait pas qu’à l’aube
Elle ont brisé un homme.
Du sommet, Boone voyait jusqu'à l'infini, dans presque toutes les directions. C'était une région dégagée, pelée, sans limites. Elle s'étendait jusqu’au ciel, tour à tour plate et vallonnée. Impossible de s'imaginer que le monde entier était aussi vaste. Le cœur se soulevait. On se sentait tout petit, et grand en même temps, tel un roi qui contemple son royaume. Boone songea qu'un oiseau devait éprouver la même sensation de liberté.
Une phrase me revînt en mémoire, quelque chose que Hannah Arendt avait dit un jour à propos du poète Auden: la vie avait gravé les fureurs invisibles de son cœur sur son visage.
Au cours des mêmes mois, Proust s'était demandé, en rêve, si sa mère "comprendrait son livre". Quelle que pût être la réponse, il lui édifia un ardent monument funèbre : il fit d'elle le cœur et l'interlocutrice de son livre, l'enveloppa de lumière ; il l'évoqua avec une douceur, un déchirement inépuisables ; cette douceur qui ruisselle de la fontaine incessante de l'amour, laquelle "jaillit vers la vie éternelle", comme le dit Saint-Jean. Il l'évoqua dans toutes ses attitudes : avec sa parole embarrassée, sa voix altérée par l'aphasie, ou quand elle risquait timidement un air du chœur d'Esther, comme l'une des jeunes filles de Saint-Cyr, et semblait Esther elle-même, ou quand, d'un air distrait et indifférent, elle posait sur son lit un exemplaire du Figaro , ou encore dans sa chambre, assise à sa toilette, dans un grand peignoir blanc, ses cheveux noirs épars sur ses épaules ; ou lisant Georges Sans au chevet de son fils, de sa belle voix pleine de distinction, de générosité, de noblesse d'âme ; ou surtout - comble de la douceur - tandis qu'elle lui souriait de la fenêtre de l'hôtel de Venise et lui envoyait, du fond du cœur, tout son amour. Dans le Souvenir d'une matinée, il lui érigea pour la dernière fois ce monument funèbre. Plus tard dans La Recherche, la mort ne le séparerait plus d'elle, car il la rendrait immortelle.
Si un homme a décidé que vous n’étiez pas son ami, inutile de passer pour un imbécile en s’obstinant à maintenir l’illusion.
June
Je crois que je respire
Et mes doigts que j'inspire
J'avale et je recrache
Je me remplis et me vide
De mon âge
Je me fais que du bien
Et je me fais que du sale c'est normal
J'adore donner mon sang
Et j'en donne toujours le plus souvent
Pourquoi j'en donne aussi souvent
Que j'adore autant que ça me fait mal
Tu vois comment
A l'intérieur de moi
Je me sens
Personne ne voit
Et ne s'aperçoit de ce qui m'attend
Pourquoi ô moi
Je ne suis qu'une fille qui s'éteint
J'essaye et j'essaye mais je n'y arrive pas
Mais ne m'oubliez pas
Je mange et je m'ennuie
De ma vie j'anorexie
Si je bois ce poison
Qui sait si je grandirai
Dans la nuit
Je ne rêve plus à rien
Je sens que je me profane
Ô mon âme
Maman j'ai peur de tout ce que j'ai à l'intérieur
Ô maman pourquoi j'ai si peur que tout commence
Et que tout m'écœure
Tu vois comment
A l'intérieur de moi
Je me sens
Personne ne voit
Et ne s'aperçoit de ce qui m'attend
Pourquoi ô moi
Je ne suis qu'une fille qui s'éteint
Je ne suis qu'une fille qui s'éteint
Je disparais
Nous aiment-ils, ceux qui nous aiment sans comprendre ce qui nous est nécessaire?
Jamais, sans doute, n'y eut-il, dans l'histoire, une rupture aussi violente, brutale et profonde dans le continuum d'une époque. 1968 fut un voyage intergalactique, une épopée bien plus radicale que la modeste conquête spatiale américaine qui ambitionnait simplement d'apprivoiser la lune, Car en ce mois de mai, il s'agissait ni plus ni moins que d'embarquer, au même moment, sans budget particulier, ni plan concerté, ni entraînement, ni führer, ni caudillo, des millions d'hommes et de femmes vers une planète nouvelle, un autre monde, où l'art, l'éducation, le sexe, la musique et la politique seraient libérés des normes bornées et des codes forgés dans la rigueur de l'après-guerre.
Nulle part le mot torture n'était mentionné. Il quitta la liste des yeux, se retourna et embrassa le charnier d'un regard. À ses pieds, un cadavre. Son crâne était ouvert en plusieurs endroits et à la place de ses yeux, il n'y avait plus que deux trous noirs bordés de sang séché. Adam frissonna de dégoût. Arracher les yeux n'avait jamais permis d'avoir des informations. Ce n'était plus de la torture. Il y avait là de la folie meurtrière. Il y avait là le seul souhait de tuer en faisant souffrir. Avec assez de raffinement et d'imagination pour que la notion de plaisir ne puisse en être totalement absente.
Je vous déclare avec obéissance, mon lieutenant, que je suis excessivement content, répondit le brave soldat Chvéïk ; ce sera quelque chose de magnifique quand nous tomberons ensemble sur le champ de bataille pour Sa Majesté l’Empereur et son auguste famille impériale et royale…
(Fin)
J'espérais atteindre Ta rive, je me suis noyé, mais j'espère
Que la vague de mes larmes me poussera contre Toi.
Ils [les Maoris] ont un rapport fusionnel avec la nature... Pour eux, nous sommes tous liés : les hommes, les animaux, les végétaux, le soleil, la lune, le climat... Nous faisons tous partie d'une seule et même grande famille. Les hommes sont les enfants de la terre et du ciel et les cousins de chaque être vivant.
Mais Cornebidouille ne bougeait plus. Ils firent porter la princesse toute pâle dans leur chambre et veillèrent sur elle jour et nuit. On fit venir les plus grands médecins du pays, incapables de se prononcer sur le mal qui la rongeait.
« La peste peut-être... ? Une indigestion... ? Le Coronabidouille... ? »
La maison battait de partout cette étendue fauve et roussâtre.
Quand un bébé s'endort dans vos bras, c'est l'absolution. La créature la plus pure qui soit vous a choisie. Plus rien ne compte.
Demain je remuerai
La flamme presque froide, et ce sera
Sans doute un jour d'été comme le ciel
En a pour tous les fleuves, ceux du monde
Et ceux, sombres, du sang. Lhomme, la femme,
Quand savent-ils, à temps,
Que leur ardeur se noue ou se dénoue?
Quelle sagesse en eux peut pressentir
Dans une héitation de la lumière
Que le cri de bonheur se fait cri dangoisse ?
Les liens antérieurs se distendent la première fois qu'on aime hors de sa famille; la palette de la pensée s'enrichit de nouvelles couleurs et on pénètre dans de nouvelles orbites.
C'est un pays qui ne veut pas se souvenir
Une ville de mensonge
Buenos Aires aux longues avenues et aux relents
humides
où l'espagnol a l'accent italien
où le fleuve ressemble à la mer
où on prétend avoir oublié
C'est un pays étrange où il manque des gens
c'est comme ça
comment le dire autrement
il en manque quelques milliers
on les a emmenés et ils ne sont jamais revenus
Et quelque part
une femme teint ses cheveux de noir
pour garder le même visage
pour que le frère disparu puisse la reconnaitre
dans la foule
si un jour il revient
et ici dans la grande ville de la furie sur les vitres des bus
les affiches du recensement
comment compte-t-on ceux qui manquent
J'appelle dépravé tout animal, toute espèce, tout individu qui perd ses instincts, qui choisit, qui préfère ce qui lui fait mal.
Don Juan était orphelin et non au sens figuré. ll y avait des années de cela, il avait perdu l'être humain qui lui était le plus proche et ce n'était pas son père ni sa mère, mais ầ ce qu'l me parut, son enfant, son seul enfant. On pouvait donc devenir orphelin par la mort d'un enfant, et comment.